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Budget participatif Votez pour moi!


8 novembre 2019 par

Rémy Bourdillon

C’est en train de devenir un classique : cette année, grâce au budget participatif, Rimouski aura droit à un terrain de jeux d’aventure en forêt et à une structure pour les planches à roulettes.

Sur le site de la Ville, on explique que le budget participatif, « processus démocratique par lequel les citoyennes et les citoyens décident de la façon de dépenser une part du budget municipal », serait un « outil sensationnel ». Le qualificatif semble un tantinet exagéré quand l’édition 2019 nous a proposé des fontaines, une borne de recharge pour véhicules électriques et… un stationnement!

Un outil sensationnel, c’est plutôt ce à quoi les résidents de Porto Alegre (Brésil) ont eu droit lorsque le budget participatif y a été inventé en 1989 : un dispositif de contrôle populaire du budget municipal issu d’une synergie entre le jeune Parti des travailleurs (qui venait de gagner la mairie et voulait montrer qu’il était le parti du peuple) et des quartiers populaires demandant à être davantage écoutés.

Dans les 17 districts de cette ville de plus d’un million d’habitants, des assemblées plénières ont établi des priorités d’investissement et élu des délégués chargés d’élaborer les projets précis à mettre en œuvre. Le financement (jusqu’à 10 % du budget municipal) a été accordé en fonction des populations et des besoins de chaque arrondissement, les moins bien nantis en bénéficiant davantage. Dans un Brésil oligarchique marqué par des inégalités abyssales, des catégories politiquement sous-représentées ont pu être entendues, avec des résultats probants : des quartiers entiers ont été connectés au réseau d’égouts, des rues asphaltées, des écoles et des garderies construites. Et 53 000 familles ont bénéficié de la régularisation de leurs titres de propriété et de la construction de nouveaux logements.

La participation citoyenne à la gestion de la ville a par ailleurs permis de faire reculer le clientélisme, puisque des règles démocratiques et transparentes ont remplacé les négociations derrière des portes closes. Ce modèle a ensuite été remis en question par une nouvelle administration municipale, désireuse de donner plus de place à l’entreprise privée.

Concours de popularité

L’Occident n’ayant pas les problèmes du Brésil, il n’est pas surprenant que le caractère révolutionnaire du budget participatif ait été édulcoré lorsqu’il s’est exporté. Exit les assemblées citoyennes, voici plutôt un « concours de popularité » (où l’on vote pour le projet d’un inconnu) largement dépolitisé. Et souvent faiblement doté : à Rimouski, la somme allouée (deux fois 200 000 $ entre 2017 et 2019) représente… 0,4 % du programme triennal d’immobilisation 2017-2018-2019.

Cela n’a pourtant rien d’une fatalité : Paris offre 5 % de son budget d’investissement à ses résidents via son budget participatif. Voici quelques exemples de projets déjà réalisés ou en cours de réalisation dans la capitale française : rénovation de locaux commerciaux dans les quartiers défavorisés (avec subvention de 10 000 euros à ceux qui voudraient se lancer dans le commerce de proximité), construction d’une maison des réfugiés, mise en place d’ateliers de fabrication d’objets à partir des déchets (permettant en plus la création d’emplois) et d’une miellerie pour tous, piétonnisation de rues, etc.

De tels projets ne pourraient pas être retenus à Rimouski, car les critères de sélection y sont bien plus serrés : seuls les citoyens peuvent déposer des propositions, ce qui donne parfois des idées nichées. (Un terrain de jeux d’aventure en forêt sert-il l’intérêt public?) À Paris, au contraire, les associations, corps intermédiaires connaissant bien les besoins de leur quartier respectif, ont le droit de rivaliser et, en cas de victoire de leur projet, de participer à son administration.

Il n’est pas obligé non plus que l’emplacement soit une propriété municipale à Paris. C’est même mieux : on pourra vous aider à cibler un lieu pour réaliser votre idée! À Rimouski, le fardeau de trouver l’endroit revient aux citoyens, sans que des propositions de rechange ne soient faites. Cette année, un projet de bibliothèque d’objets a été tout simplement refusé, car « des travaux sont à prévoir dans les locaux ciblés en raison d’infiltration d’eau».

On peut aller plus loin pour inclure les citoyens à la prise de décision : à Barcelone, la plateforme de participation citoyenne Decidim, créée par la municipalité, permet aux résidents de faire des propositions sur la manière de dépenser l’argent public. Elle facilite également l’association de citoyens voulant travailler ensemble sur un certain sujet, le tout en open source, afin de garantir la transparence du processus. De nombreuses villes et régions l’utilisent déjà. Et Rimouski, un jour?

Pour cela, il faudrait que la volonté de faire une place à la participation citoyenne soit autre chose qu’un slogan. En février, une centaine de personnes ont participé à une assemblée citoyenne convoquée par Rimouski en transition, de laquelle ont émergé de nombreuses propositions pour que la ville devienne carboneutre. Malgré la présence de plusieurs conseillers municipaux, aucune proposition n’a fait l’objet d’un suivi par l’administration municipale. On est loin, loin de Porto Alegre…

https://www.moutonnoir.com/2019/11/votez-pour-moi


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