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La dépossession ferroviaire du territoire


Dans le dossier du transport de pétrole par train, si le Québec était souverain, nous aurions assurément le dernier mot. Bien entendu, nous sommes conscients que le lobby ferroviaire est très puissant. On peut même affirmer que c’est lui dicte l'ordre de l'agenda au Canada. D'ailleurs, la création de la confédération canadienne repose en majeure partie sur ce capitalisme ferroviaire et sa course effrénée à construire un chemin de fer étatique d'un océan à l'autre.

De nos jours, ce réseau a été privatisé et des compagnies comme le Canadien National et le Canadien Pacific sont maintenant entre les mains de multinationales dont le seul intérêt est de maximiser leurs marges de profits. Pour y parvenir, tous les moyens sont bons: une armada de lobbyistes oeuvrent à l’élimination de toutes réglementations gouvernementales touchant la sécurité, l'entretien de leur réseau est minimal et se fait parfois de façon cavalière, le transport de matières dangereuses est privilégié au détriment de l'acheminement de denrées alimentaires et de la mobilité de la population.

À travers nos années d’engagement citoyen, nous avons pu constater que ce lobby est prêt à tout, mais aussi à quel point le gouvernement fédéral agit de manière complaisante et semble asservi devant cette industrie. Ainsi, des compagnies ont obtenu l’autorisation de faire rouler des trains chargés de pétrole avec un seul membre d’équipage à bord, un seul employé pour s’occuper d’une bombe sur rail dont la puissance de frappe a été démontrée le 6 juillet 2013. Des quantités record de pétrole ont même été transportées sur les voies ferrées canadiennes en 2018. En 2013, année de la tristement célèbre tragédie du Lac-Mégantic, 126 230 barils par jour étaient exportés par voie ferroviaire. L'année dernière, c'était près du double (230 960), selon des données de l'Office national de l'énergie. L’auteur du livre The Lac-Mégantic Rail Disaster(1), Bruce Campbell, nous apprenait que, non seulement le transport de pétrole par train avait augmenté, mais qu’il y a des trains avec de plus en plus de wagons et, donc, de plus en plus lourds. Faut-il s’étonner si on a vu plus de déraillements au Canada en 2018 qu'en 2017?

Une grande partie des villes québécoises sont construites près des voies ferrées et les changements apportés à la réglementation fédérale depuis la tragédie de Lac-Mégantic sont insuffisants pour protéger le public. Un Québec indépendant pourrait mettre en place sa propre réglementation nationale et ainsi colmater les grandes failles soulevées par le rapport du BST suite à la tragédie de Mégantic. Commençons par exiger de diminuer la longueur des trains. Lorsque l’on fait mention de trains-blocs pétroliers, on parle de convois qui peuvent dépasser plus de cent wagons-citernes. Il faut exiger que les convois soient beaucoup moins lourds en gardant à l’esprit que les voies ferrées n’ont pas été construites pour ce type de transport. Le gouvernement du Québec pourrait et devrait exiger une multitudes de mesures d’urgence tout en s’assurant que ces entreprises assument l’ensemble des coûts des externalités qu’occasionne le transport de pétrole par trains comme, par exemple, la mise à jour des casernes de pompier des municipalités, l’installation et l’alimentation de réservoir de mousses ignifuges, etc.

Si nous ne réagissons pas, le pétrole des sables bitumineux et le pétrole de schiste continueront de prendre de l’expansion par voie ferrée. Rappelons, pour finir, que ce pétrole est destiné à l'exportation et ne crée pratiquement aucun emploi au Québec, seulement des risques de déversements, de déraillements, d'explosions, tout en accaparant un système de transport en commun auquel la population a de moins en moins accès..

Martin Poirier

Patricia Posadas

Benoit St-Hilaire

(1) Campbell, Bruce. The Lac-Megantic Rail Disaster : Public Betrayal, Justice Denied, hers,Toronto, 2018


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